Women - Skull & Vanity
Interview Fred Calmets par J. Perrin (Photographe-Plasticienne)
05-2010
Autodidacte, j’ai réalisé mes
premières peintures à l’aérosol sur les
murs pendant plusieurs années (graffitis). Après avoir
travaillé comme médiateur culturelle pour la ville
de Poitiers, graphiste dans un magazine, j’ai décidé
de me consacrer à ma peinture à plein temps en 2009,
depuis je grave (aquatinte, gravure taille douce, etc.), je dessine,
je peins …je visCe qui frappe et force au regard dans votre
travail, est la manière dont vous placez le sujet et en particulier
le personnage, l’Autre dans vos toiles. Cadrage serré,
corps morcelés, « quartagés »,
grossissement de certains détails… Nous plongeons tels
« des voyeurs » dans l’intimité
de cet Autre qui se dévoile et scrutons tels des photographes
en mode Macro les teintes et textures de vos toiles.
Votre univers pictural est très Féminin
comment l’expliquez-vous, y aurait-il une forme de fétichisme
ou une sacralisation de la féminité, car on y retrouve,
la pomme (fruit défendu) mais aussi différents accessoires
de mode tels des talons aiguilles ... ?
Je peins les femmes, car elles me touchent, me fascinent…
C’est un des sujets (avec la mort depuis quelques temps) qui
m’intriguent le plus, c’est tellement vaste que je n’aurai
pas assez d’une vie pour faire le tour…
Oui, Il y a une forme de sacralisation de la Femme,
un questionnement constant sur ces personnes qui peuplent mon quotidien.
Chaque image est travaillée et interprétée
un peu comme un fantasme incarné, une transposition d’un
idéal (social et /ou personnel), un début d’aventure
– un peu à la manière d’un œil regardant
par le trou d’une serrure (mais équipé d’un
zoom).
Je reste un homme, avec son vécu, son histoire
et ses rencontres, aussi bien marqué par des découvertes
de catalogues érotiques ou pornographiques dans la sphère
familiale que par l’explosion d’images plus soft (ou
plus hardcore) sur les blogs et autres réseaux sociaux virtuels.
C’est ce vécu qui a influencé ma peinture dans
les premiers temps – néanmoins, je cherche aussi à
être un témoin de mon époque ; ainsi si
certains accessoires de mode sont présents dans mes toiles,
c’est que les femmes des images que j’utilise s’étaient
mises en scène ou faites photographiées avec ces objets…
Après je ne fais que « zoomer »
- choisir un morceau qui m’accroche - un peu comme une première
rencontre où en discutant avec l’autre, on la regarde,
on la dévore …
Certains garderont en mémoire les yeux, une
paire de seins, une attitude douce et légère, un parfum,
un talon, une cigarette, un bijou, un lieu, voire plusieurs de ces
attributs… J’ai décidé de faire de chaque
toile une rencontre !
Pensez-vous être un peintre de l’intime,
ou plutôt un peintre contestataire sur la condition féminine
dans notre société aujourd’hui ?
Je suis un peintre de l’intime. Mais être
peintre n’est-ce pas déjà être un peu
contestataire ?
Par la diversité des scènes que vous
nous dévoilez dans votre travail, nous sommes confrontés
à la fois a une envie irrésistible de percer l’âme
de vos personnages et dans le même temps à un malaise
de par la posture « voyeuriste » qu’elles engendrent.
Est-ce une volonté de votre part de mettre le spectateur
en équilibre émotionnel face à vos toiles ?
Concernant la réalisation de mes toiles,
c’est un choix personnel, je peins principalement pour moi,
je choisis le sujet, l’image, le cadrage, sans me soucier
du spectateur. Mais même si je comprends le malaise dont vous
parlez, il me semble que le côté voyeur plaise à
certains, moi le premier…
Quand vous dites avoir une envie irrésistible
de percer l’âme de mes personnages et dans un même
temps être dans un malaise vis-à-vis de ce côté
voyeur cela concerne principalement votre perception de ma peinture.
Je ne maîtrise donc pas les émotions des spectateurs.
Mes œuvres ne peuvent que, dans le meilleur
des cas, leur proposer différentes pistes, des ouvertures…
Le commencement d’une toile, part de photographies,
d’images de presse ou bien de rencontres qui vous restent
en mémoire ?
Les rencontres que je fais au quotidien, mon passé,
mon vécu, toutes ces choses déterminent le choix des
images que je souhaite traiter. Je ne prends plus jamais d’image
de presse, je le faisais il y a quelques années, mais en
faisant cela on perd quelque chose et on est déjà
dans l’intention d’un photographe, d’un autre
artiste, d’une ligne éditoriale… Actuellement
mes images viennent principalement d’internet (très
utile et très représentatif de notre époque,
et de nos tendances…), plus particulièrement des réseaux
sociaux où je « connais » la plupart
du temps les gens et où eux-même souhaitent se mettre
en avant et donc s’exhiber aux yeux du monde (du monde ayant
Internet). La sélection de ces photos est une phase très
importante de mon travail ; je les garde dans des fichiers, je sélectionne,
j’enlève, j’imprime, je sélectionne à
nouveau mes images, je découpe, recadre et ensuite je passe
à la peinture.
Que représente pour vous artiste, Peindre
aujourd’hui au vue de toutes les nouvelles pratiques et technologies
qui existent dans la création contemporaine ?
Ce que j’aime dans l’art c’est
l’expression sous toutes ses formes. Pour moi la peinture
est un langage, mon expression, au même titre que pourraient
l’être les autres modes d’expressions artistiques.
Non seulement les pratiques émergentes ne me dérangent
pas, mais elles m’interpellent, même si certaines clés
de lecture me manquent parfois.
Je ne souhaite pas faire de la peinture un combat
d’arrière-garde, pour moi la peinture est belle et
bien présente sur la scène internationale. Peindre
à notre époque, c’est aussi de la création
contemporaine. Je ne fais pas partie de ces artistes qui souhaitent
« casser » avec l’héritage que
nous ont laissé nos prédécesseurs…
Je souhaite m’inscrire dans la continuité
des anciens, voire me confronter perpétuellement aux géants
du passé…comme à ceux du présent d’ailleurs
! Et tant que la peinture exercera une fascination aussi grande
chez moi, je croirai en elle. A l’heure où tout va
de plus en plus vite dans notre monde, vidéo, temps de connexion,
téléchargement… je pense qu’il est important
de prendre le temps de se poser devant un tableau.
A ce jour vous avez commencé un nouveau travail,
appelé Crânes, quels en sont ses propos et ses enjeux
dans votre évolution artistique ?
Je ne sais pas si ce nouveau travail m’a fait
évoluer artistiquement, mais il découle d’une
prise de conscience de la puissance de la vie, de l’impact
et de l’importance de l’instant présent. Il se
peut qu’inconsciemment il y ait un lien direct avec ma soif
de peindre l’être humain (plus particulièrement
la Femme). Mon travail sur la femme traduit l’envie de figer
des morceaux, des instantanés de vie glanés ça
et là sur le net, dans le quotidien. Mais récemment,
ma réflexion m’a amené à davantage d’introspection
et à m’intéresser à des notions plus
profondes concernant l’être humain, notamment le rapport
à la mort et à la vie.
Cela me travaillait depuis longtemps, il fallait
que ça sorte... Puis la vie, notre société,
l’actualité (grippe - mort - guerre - fin du monde...),
plus récemment Haïti… tous ces trucs, ces informations
ne laissent pas indemne quand on a des enfants... ça brasse
un homme ! Ça brasse un peintre... Souvenons-nous qu’un
jour nous allons mourir… et savourons la vie : « Carpe
diem » ! |